King
Kong Théorie, Virginie Despentes, essai autobiographique
145
pages, Editions Grasset & Fasquelle, 2006
Virginie Despentes, féministe convaincue, est connue pour ses écrits engagés dont certains ont été adaptés au cinéma (Baise-moi, Byebye Blondie). Connue pour éviter les discours « langue de bois », elle est une des premières personnes à s'exprimer franchement sur la place des femmes, l'auto-censure qu'elles s'infligent, mais aussi à mettre en avant la manière dont les hommes sont eux aussi les victimes du sexisme. Elle ose mettre les pieds sur des terrains sensibles et tabous comme la prostitution, l'industrie du porno, l'institution familiale, etc. Souvent critiquée pour ses discours provocateurs et virulents, elle a cependant toujours mis un point d'honneur à ne pas taire les choses sous prétexte que certaines personnes ne veulent pas les entendre.
Virginie
Despentes, aujourd'hui âgée de 45 ans, continue à militer et à
écrire. En 2015, sortira Vernon Subutex, toujours chez
Grasset.
King
Kong Théorie est avant tout une autobiographie mais pas seulement.
Nombre de questions philosophiques et de réflexions sociétales se
croisent et nous interrogent au cours du récit. Si l’œuvre est
rédigée à la première personne, le sujet n'est pas tant Virginie
elle-même, mais bel et bien les femmes dans leur ensemble. Elle ne
prétend pas représenter à elle toute seule l'ensemble de la gente
féminine, mais elle tente, au contraire de partir de sa singularité
pour étendre une réflexion sur ce qu'elle a pu voir de la manière
dont sont perçus les rôles sociaux, sexuels, éducatifs des femmes.
En passant par son viol, sa période de prostitution, mais aussi son
passé de critique pornographique, elle expose les conclusions
qu'elle a tirée au fil de ses carrières et de ses expériences.
Toujours dans l'argumentation, jamais dans la justification, Virginie
Despentes ne s'excuse pas de dénoncer, elle se contente de dire sa
vérité.
En
tant que féministe, je savais avant même la lecture du livre qu'il
me serait intéressant. Que je sois d'accord ou pas avec ce qui
allait être dit, Virginie Despentes EST une figure du féminisme,
c'est indéniable, et ses mots poussent toujours à la réflexion et
à la remise en question. Je n'ai pas été déçue, j'ai été
amenée à BEAUCOUP réfléchir au fil des mots. Sa vie
époustouflante force une certaine admiration, un respect. Mais avant
de me laisser embarquer par cette fascination quelque peu naïve,
j'ai taché de garder un œil objectif sur l’œuvre pour en tirer
un maximum d'informations. Trêve de déblatérations. Je n'ai au
final que deux critiques mineures à faire. C'est tout.
J'ai
aimé ce bouquin. Je l'ai aimé parce qu'il va dans mon sens sur
beaucoup de points. Je l'ai aimé également parce qu'il m'a beaucoup
appris. Je l'ai apprécié enfin parce que je suis en désaccord avec
certains passages. Virginie Despentes n'est pas avare, tout le monde
en prend pour son grade, les hommes comme les femmes. Nous sommes
tous responsables, à différents degrés, des rapports de force et
de soumission dont nous sommes (ou non) les acteurs, parce que nous
ne nous battons pas tous contre. Parce que certains d'entre nous s'y
complaisent, et n'ont pas franchement envie que ça change. C'est ce
qui fait la force de l’œuvre, mais qui en fait aussi un défaut
majeur, et c'est la première vraie critique que j'apporterai.
Tout
le monde en prend pour son grade, mais ce livre prend alors une
dimension très culpabilisante qui nous fait comprendre que quoiqu'on
ait fait jusqu'ici, on a forcément agi de travers. Ce qui est
peut-être vrai dans certains cas. Mais qui n'est pas forcément la
technique idéale pour convertir au féminisme. Pour moi qui l'était
bien avant cette lecture, j'ai cependant vite compris que l'objectif
de Virginie Despentes n'était pas de convaincre les gens, de leur
montrer à quel point être féministe c'est merveilleux, intelligent
et moderne. Au contraire, ses lignes sont traversées par la
difficulté de faire changer les mœurs. Être féministe, c'est des
sacrifices et c'est des risques à prendre, chaque jour, chaque
minute et chaque seconde. Elle ne veut pas dire aux gens qu'il faut
qu'ils la rejoignent. Elle dit, tout simplement. Elle n'a pas de
comptes à rendre. Rien que des faits à étaler, des choses qui
crèvent les yeux mais que personne ne semble voir.
J'ai
apprécié qu'elle mette un point d'honneur à dire que chaque femme
est différente, et que la stigmatisation est nos pires ennemis.
Virginie commence par se définir comme une moche, une virile, mais
que ce n'est pas pour autant qu'elle en veut aux femmes belles et
féminines (même si le terme « féminité » est mis à
rude épreuve durant l'intégralité de l'essai). Cette exposition de
la diversité des personnalités est fondamentale pour toute personne
qui veut défendre la cause des femmes. Cela m'amène à ma deuxième
critique.
Si
Virginie Despentes ne démolit pas les hommes dans l'unique but de les
démolir parce qu'ils ont eu la chance de naître avec un pénis,
elle les défend à plusieurs reprises, les mettant en position de
victimes du sexisme envers les femmes. Je suis en accord avec ces
propos, néanmoins la diversité qu'elle accorde aux femmes, elle
n'en fait pas profiter les hommes. Elle a beau ne pas les placer
comme responsables par défaut du sexisme, il n'y a que peu de
passages parlant des différents types d'hommes qu'on peut rencontrer
au cours d'une vie. Elle devise des belles, des grosses, des moches,
des connes, des savantes, des sportives, des séductrices, des
puissantes, des fourbes, des malignes. Mais quand elle aborde les
hommes, elle parle... des hommes dans leur ensemble. Elle différencie
cependant les hétéros et homosexuels et du fait que certains hommes
souffrent de ne pas correspondre à l'image du « viril »
mais c'est souvent passé à la trappe.
Pour
conclure, c'est un manifeste plus qu'un témoignage. C'est un coup de
gueule et un message d'espoir pour les générations futures qui
sauront peut-être se détacher progressivement des clichés qui nous
brident et nous enferment. Je conseille cet ouvrage à tout le monde.
Féministe ou non, ce livre vous concerne forcément. Accrochez-vous,
ça peut être brutal parfois, mais je pense sincèrement qu'on
ressort de cette lecture avec de quoi réfléchir.
♥♥♥♥♡
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