mercredi 20 mai 2015

L’Ancien Temps, tome 1 : Le roi n’embrasse pas

L’Ancien Temps, tome 1 : Le roi n’embrasse pas, de Joann Sfar, édité chez Gallimard, 2009



Dans un monde où l’eau coule vers le haut, les arbres parlent et les divinités murmurent à l’oreille des humains, Nadège la sourcière décide de quitter son fiancé Cassian sans le lui dire pour aller vivre une vie d’aventures à la ville de Nissa. Elle charge son grand-père d’annoncer son départ à Cassian de afin qu'il renonce à elle. Mais le vieux sourcier arme le jeune homme d’un serpent et l’envoie sur les traces de sa petite-fille pour la protéger. Tous deux feront de multiples rencontres au cours de leur périple.

Sfar dépeint un monde fantasmagorique, rempli de magie et de créatures étranges. Les deux jeunes gens que tout oppose, Nadège, la magicienne mutine et indépendante et Cassian, le garçon naïf et plein de principes, partent pour un voyage initiatique dans un univers digne des contes de fées. Mais c’est un monde en train de basculer, prêt à passer du paganisme et sa magie, à un monothéisme culpabilisant. De même, les deux adolescents basculent dans l’âge adulte, mais suivant deux rêves différents.

L’Ancien Temps est un conte pour adultes qui critique les rapports amoureux, la religion, les croyances, sous couvert de légèreté. Les personnages sont assez peu manichéens, ils ont leurs failles et leurs défauts, ce qui les rend très humains. Nadège paraît égoïste, mais veut vivre sa vie sans entraves; son grand-père est manipulateur, mais est poussé par l’amour qu’il a pour sa petite-fille ; Cassian semble borné, mais il a des rêves différents de ceux de sa fiancée ; la reine se montre manipulable, mais a été jetée trop tôt dans le monde des adultes. L’auteur règle aussi ses comptes avec le prosélytisme et l’aveuglement des masses face à des discours de propagande qui infantilisent les gens fragiles ou utilisent le désespoir de certains.
Les dialogues, élégamment ciselés et sensuels, sont parfois tranchés par une répartie plus leste. Le dessin paraît parfois un peu flou et mal maîtrisé, mais il retranscrit bien tout le foisonnement et le bestiaire de ce monde fantastique. Les traits prennent de temps à autres des airs enfantins, renforçant l’impression de conte, mais rendant les événements tragiques plus choquants par contraste.

J’aime beaucoup cette bande dessinée qui, sous des airs de fantaisie frivole, aborde, avec philosophie et un humour un peu cruel des thèmes plus profonds qu’il n’y paraît.
Quand je me suis renseignée sur l'auteur, j'ai appris qu'il reprenait ici, des thèmes et un système de narration déjà utilisés dans d'autres de ces oeuvres. Je découvre Sfar avec L'Ancien Temps et je n'ai personnellement rien à lui reprocher. J'attends même avec impatience la suite, La Peau du loup. Malheureusement, quand on voit le temps écoulé, j'ai peur qu'on la voie jamais sortir, et c'est bien dommage.

♥♥♥♥♡

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